Tribune « Le Monde ». Politiques ambitieuses et d’Etats de droit pour arrêter la déforestation

Pour Alain Karsenty, (économiste du Cirad), acheter de manière inconditionnelle des crédits carbone aux pays forestiers n’est pas la solution pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique.

« Nous avons besoin de politiques ambitieuses et d’Etats de droit pour arrêter la déforestation mondiale »

Au Sommet des trois bassins forestiers de la planète, qui se déroulait à Brazzaville du 26 au 28 octobre, les crédits carbone « souverains » ont été la grande affaire des débats. Cela tient au fait que certains pays forestiers tropicaux se revendiquent « absorbeurs nets » de CO2, étant donné que leurs forêts absorbent plus de dioxyde de carbone que le pays n’en émet. Ce que leur permet théoriquement la vente de crédits carbone.

La notion de « crédits souverains » recouvre une tentative des États de s’assurer la perception de la plus grande part d’une rente financière qui, aujourd’hui, leur échappe. Ce sont des « projets REDD+ » (« Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation »), d’initiative privée, qui permettent, à l’heure actuelle, de générer et de vendre des crédits carbone sur ce qu’on appelle le marché volontaire de la compensation carbone. Certes, les États imposent souvent des partages des bénéfices de la vente de ces crédits, mais ils ont le sentiment de ne récupérer que « des miettes ».

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La forêt amazonienne ne serait plus, ou plus pour longtemps, absorbeur net (puits de carbone) mais source nette d’émissions, et les forêts d’Asie du Sud-Est seraient déjà des sources nettes depuis plusieurs années, du fait de la déforestation et de la dégradation des massifs. Seul, le Bassin du Congo serait encore absorbeur net. Il n’est donc pas sûr que les pays amazoniens et du Sud-Est Asiatique se retrouvent dans la revendication de rémunérations pour des absorptions nettes. La tentative de mettre en place un « OPEP des forêts », annoncée par la RDC, le Brésil et l’Indonésie à la CoP 27 de Sharm-el-Sheikh en novembre 2022, pourrait tourner court, faute de stratégies convergentes sinon de véritable intérêt commun.

Voir aussi : Le bassin du Congo, deuxième puits de carbone du monde, entre préservation et exploitation

En Afrique, l’appétit grandissant du secteur privé pour les crédits-carbone  (réservé à nos abonnés)

Relayé depuis l’extrait (linkedin) d’Alain Karsenty sur l’article du Monde